HOMELIE MGR NORBERT TURINI
MESSE D’ACTION DE GRÂCE À LA MÉMOIRE DU PAPE FRANÇOIS
JEUDI 24 AVRIL 2025 – CATHÉDRALE ST PIERRE DE MONTPELLIER


” Frères et sœurs,
Aujourd’hui, l’Église prie dans la gratitude et dans la peine.
- Gratitude pour la vie et le pontificat du pape François.
- Peine, bien sûr, de le voir partir, lui qui a été pour nous un bon pasteur.
Un pasteur qui a su reconnaître la voix du Christ et la faire entendre au monde. Un pasteur qui a marché devant le troupeau, parfois au milieu, parfois derrière, mais toujours en veillant sur chacun, surtout les plus fragiles.
Dans ce temps de Jubilé, qu’il a voulu comme un grand souffle d’espérance pour une humanité souvent inquiète, nous ne nous habillons pas de noir. Non.
Nous accueillons la lumière pascale. Parce que c’est cette lumière qu’il a portée, coûte que coûte, jusqu’au bout, jusqu’à ce dimanche de Pâques.
- Ou en nous bénissant urbi et orbi,
- Ou en parcourant une dernière fois la place St Pierre pour saluer la foule,
il nous disait A DIEU pour entrer le lendemain matin dans la lumière du Ressuscité.
Dès le début de son ministère, il a pris la porte du Royaume, celle de la miséricorde par laquelle passent les vrais bergers. « Le nom de Dieu est miséricorde », disait-il.
Et comme Jésus dans l’Évangile, il n’a pas parlé d’abord à la tête, mais au cœur. Il nous a rejoints comme un berger qui connaît ses brebis et les appelle chacune par son nom
Il disait de lui-même : « Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. » Et cela, il ne l’a jamais oublié.
Il a exercé l’autorité non comme un chef de troupe, mais comme un pasteur qui marche avec son peuple.


Un pasteur blessé parfois, fatigué souvent, mais porté par la prière, et par cette tendresse infinie qu’il recevait du Seigneur et qui inspirait toute sa vie et sa mission.
Son cœur de pasteur n’avait pas de frontière. Il allait chercher aux « périphéries existentielles », la brebis perdue,
- celle qui était loin,
- celle qui échappait aux regards,
- celle que l’on ne voyait pas ou que l’on refusait de voir et d’accueillir.
Il l’a portée sur ses épaules, parfois au prix de critiques ou d’incompréhensions. Mais il ne pouvait pas faire autrement : la miséricorde, pour lui, était plus qu’un message — c’était un mode de vie.
Il nous rappelait que l’Église n’est pas un enclos fermé, un lieu de sécurité réservé à quelques privilégiés. Il disait : « L’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile. » Comme le Bon Pasteur, il a ouvert des portes, là où parfois on avait érigé des murs.
Mais François ne voulait pas être seul dans cette mission. Il nous a appelés à devenir une Église synodale.
Une Église qui marche ensemble, pasteurs et fidèles, hommes et femmes, jeunes et anciens, chacun avec sa voix, chacun avec son histoire. Il disait : « Le synode n’est pas un parlement. C’est un chemin d’écoute. »
Et c’est cela aussi, la pastorale du Bon Pasteur :
- il écoute avant de parler,
- il connaît son troupeau,
- il lui donne la parole.


Le pape François a voulu une
- Église humble, qui ose se remettre en question,
- une Église qui chemine, parfois lentement, mais sûrement, à l’écoute de l’Esprit-Saint.
Et vous, les jeunes, il vous parlait comme un berger qui aime la vigueur de son troupeau. Il voulait vous voir
- libres,
- heureux,
- enracinés.
Il criait aux JMJ : « Ne vous laissez pas voler l’espérance ! »
Il disait : « Faites du bruit ! Sortez des canapés ! Mettez le bazar !» Il vous voulait vivants, en marche, engagés. Il savait que le pasteur ne peut pas avancer sans le pas joyeux de la jeunesse.
Et il ajoutait : « Ne vous laissez pas parquer dans les enclos des habitudes. » Il voulait que vous suiviez la voie du vrai berger, pas celle des marchands de promesses. Il avait foi en vous, foi en ce que vous pouviez devenir.
Dans Laudato si’, il a élargi le regard du pasteur à toute la Création. Il a vu dans notre sœur la Terre
- une brebis blessée,
- une victime silencieuse qu’il fallait soigner.
Il nous suppliait d’entendre « le cri de la terre et le cri des pauvres ».
Il disait : « Tout est lié. » Et comme le Bon Pasteur qui veille sur tous les membres de son troupeau, il nous appelait à prendre soin
- de notre monde,
- de ses beautés comme
- de ses plaies.
Parce que prendre soin, c’est déjà évangéliser.
Et dans cet amour large et profond, il y avait toujours Marie. Il l’appelait « Mère de tendresse », « Reine de toute la Création », « étoile de la nouvelle évangélisation ».
Comme un enfant confie son cœur à sa maman, lui, le pasteur venu du bout du monde, confiait l’Église à Marie. C’est près d’elle, selon son désir, qu’il reposera en la Basilique de Sainte Marie Majeure.
Il priait pour que nous devenions comme elle :
- capables de dire oui,
- de garder la Parole,
- de veiller avec amour sur tous.
Et maintenant ? Maintenant qu’il a quitté la bergerie terrestre pour rejoindre le Bon Pasteur, que faire ?
Il nous dirait : « N’ayez pas peur ! Suivez la voix du Christ ! Restez unis ! »
Il nous rappellerait que le berger ne vit pas pour lui-même, mais pour ses brebis. Il nous inviterait à marcher ensemble, dans cette Église synodale qu’il a tant désirée : une Église du dialogue, de l’écoute, de la fraternité.
Et il nous dirait aussi : « Priez. » Parce qu’il savait que sans la prière, nous devenons des mercenaires et non des pasteurs. Il nous suppliait : « Priez pour moi. » Et nous le ferons, de tout notre cœur.
Frères et sœurs, ce Jubilé de l’Espérance, il ne s’interrompt pas avec son départ. Il s’intensifie.
Il devient
- une route à continuer,
- une porte ouverte à franchir.
Et peut-être qu’au ciel, il sourit, ce pape au regard franc, au cœur simple, au sourire clair. Il nous dit une dernière fois, comme un berger à ses brebis :
« Avancez. N’ayez pas peur. Le Seigneur marche avec vous. »
Alors oui, François, merci d’avoir été le bon pasteur de notre temps.
Merci pour ta miséricorde, pour ta fidélité, pour ta prière.
Merci de nous avoir conduits non vers toi, mais vers le Christ.
Et avec Marie, la Mère du Bon Pasteur, nous reprenons le chemin.
Dans la lumière du Ressuscité.
Dans la Joie de l’Évangile.
Dans l’élan de l’Espérance.
Amen “
MGR NORBERT TURINI, Archevêque de Montpellier
Crédit photo : Eva Tisseyre
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