Paternel

  • Réalisateur : Ronan Tronchot
  • Distribution : Grégory Gadebois, Géraldine Nakache, Lyes Salem
  • Genre : drame
  • Nationalité : France
  • Durée : 1h32min
  • Sortie : 27 mars 2024

 

La figure sacerdotale susciterait-elle un regain d’intérêt chez les réalisateurs français ? Alors même que le statut social du prêtre a cessé d’être attractif, du moins dans l’Hexagone, et que l’institution ecclésiale reste marquée par le scandale de la pédophilie, cette figure reste disponible et activable dans l’imaginaire collectif. Après le documentaire Sacerdoce, consacré au portrait de cinq prêtres français et le biopic L’abbé Pierre, une vie de combats, tous deux sortis à l’automne 2023, Ronan Tronchot fait un pas de côté avec son premier long-métrage, Paternel.

Simon est curé de paroisse. C’est un prêtre de terrain, les pieds sur terre, en phase avec son temps. Hyper-sollicité et exténué, il se montre toujours disponible et bienveillant. Louise, avec qui il a eu une relation amoureuse, débarque du Canada et lui apprend qu’il est père d’un garçon de 11 ans, Aloé, conçu alors qu’il était séminariste. Elle lui demande de reconnaître cet enfant qu’elle a élevé seule tout en travaillant. Simon se sent piégé. Le dilemme auquel il se confronte est posé d’emblée : poursuivre dans la voie de son ministère ou élever son fils. Or, il refuse de choisir et voudrait mener de front les deux tâches de prêtre et de père. Mais comment concilier la paternité spirituelle d’une communauté et l’éducation d’un enfant ?

Les co-scénaristes ont voulu parler de l’Église catholique. « Le film interroge le statut du prêtre aujourd’hui », explique Ludovic du Clary : « Ronan et moi sommes tous les deux issus de la culture catholique. On a été élevés dans cette religion et on a eu envie d’interroger la figure du prêtre ». Ils connaissent l’institution de l’intérieur et adoptent, dans une narration lisible, un ton juste pour ce tableau parfaitement documenté du quotidien d’un prêtre de paroisse. Amin, le vicaire clairvoyant aux origines algériennes et l’animateur de chants liturgiques qui chante aussi du pop dans un bar de la ville offrent l’exemple de personnages secondaires positifs. Ils côtoient des figures moins avenantes, comme celles de l’évêque du lieu et des prêtres du collège des consulteurs chargés de trancher le cas de Simon. L’ensemble compose le portrait d’une communauté catholique saisie dans sa diversité et ses contradictions.

Autant qu’un film sur les déclinaisons de la paternité, Paternel est un film sur le mûrissement d’un choix. Le sous-titre pourrait en être : Le choix de Simon. Simon, qui ne voit pas de contradiction entre ses deux missions, est contraint au choix. D’autres personnages ont dû faire des choix : Louise, mère célibataire, a fait le choix de garder son enfant. Marion, la lycéenne enceinte, après d’infinis tourments intérieurs, a fait le choix inverse.

L’un des autres thèmes est celui de la vocation. Simon explique que l’origine de sa vocation n’a pas été un coup de foudre mystique, mais le sentiment d’avoir atteint la profondeur et l’équilibre. Pour autant, Paternité n’élude pas la question de la radicalité du ministère sacerdotal chez les catholiques latins. Ce dernier est-il compatible avec la vie de famille ? Plus largement, lorsque l’on consacre son existence à aider son prochain, peut-on aspirer à une vie privée ? C’est aussi une des interrogations de Paternel, qui se concentre sur le cheminement intérieur de Simon. Un dernier axe, autour du rapport vérité/dissimulation, traverse enfin le film. « Mentir ne t’aidera pas », dit Amin à Simon, qu’il encourage constamment à faire la vérité sur sa situation.

Des acteurs bien connus du cinéma français prêtent leur visage aux protagonistes du film : Géraldine Nakache et Grégory Gadebois. Ce dernier montre une nouvelle fois son talent à s’emparer pleinement de l’humanité de ses personnages pour en révéler les fêlures et la vulnérabilité. Poupin et débonnaire, il incarne à merveille Simon en pasteur chaleureux, miséricordieux et tourmenté, au tournant de sa vie. Paternel est un film touchant, attachant et juste. Sur un sujet sensible, il aurait pu être scabreux. Il ne l’est pas. C’est souvent par la voix candide d’Aloé, extérieur à l’univers ecclésial, que sont posées les bonnes questions sur l’institution. Au-delà du thème de la paternité, qu’elle soit spirituelle ou biologique, le film est un plaidoyer en faveur de la transformation profonde d’une Église appelée à entendre les aspirations et les besoins humains fondamentaux.

Anne-Cécile Antoni, Chrétiens et Cultures