Dans le paysage urbain montpelliérain, une silhouette singulière attire l’œil : celle de l’église Saint-Esprit, édifice emblématique du quartier des Cévennes.

Cet édifice, à l’audace architecturale distinguée en 2019 par le prestigieux label Architecture contemporaine remarquable décerné par le ministère de la Culture, illustre d’une part l’élan réformateur du concile Vatican II, qui révolutionne la liturgie catholique, et d’autre part, la vision créative de Marcel Pigeire, jeune architecte alors âgé de 35 ans. Nous sommes au mois de juillet 1965, et la toute nouvelle paroisse du Saint-Esprit voit le jour. Naturellement, décision est prise d’y ériger une église.

Dès le début de l’aventure, la simplicité du cahier des charges semble n’avoir d’égal que la complexité technique et esthétique qu’il implique : concevoir un édifice capable d’accueillir 700 fidèles avec un budget limité à 600 000 francs, tout en créant un signal architectural fort dans ce quartier lui aussi à peine naissant, sans recourir au traditionnel clocher et en portant une attention toute particulière à la lumière.

Adoptant un plan centré carré conforme aux nouvelles directives liturgiques, Marcel Pigeire imagine des façades triangulaires traduisant architecturalement le mystère du Saint-Esprit.
Cette géométrie audacieuse impose une contrainte technique majeure : suspendre la toiture dont les quatre pans s’appuient directement au sol.

Une structure triangulée reposant sur trois piliers en lamellé-collé – symbolisant la Trinité – permettra de soutenir le point culminant de la charpente à 17 mètres de hauteur et libèrera complètement l’espace intérieur. Le montage de cette ossature complexe sera exécuté en un temps record (une dizaine de jours) par l’entreprise aveyronnaise Charles de Bouillac.

L’intérieur révèle la parfaite maîtrise de Marcel Pigeire dans la déclinaison et la juxtaposition des contrastes de couleurs et de matériaux.

Trois des quatre murs triangulaires sont entièrement habillés de vitraux réalisés par le maître-verrier Léon Blanchet. Ces surfaces colorées et volontairement abstraites sont organisées selon une palette chromatique pensée en fonction de l’orientation : dominante bleue côté entrée (figurant l’eau baptismale), rouge à l’arrière pour les célébrations vespérales (figurant le feu), gris-bleu aux tonalités de vert côté nord (figurant l’air).
Le quatrième mur, en béton brut, semble opposer au jeu de lumière omniprésent, une sobriété minérale et austère. C’est devant cette paroi brute – adoucie depuis 1991 par un triptyque de Nicolaï Greschny – que prend place, sur une estrade à peine surélevée, l’autel.
Situé à l’entrée de l’église, le baptistère prévu pour y célébrer des baptêmes collectifs, a lui aussi été conçu selon l’esprit de Vatican II. Un cheminement symbolique constitué de galets irréguliers mène à un bassin illustrant les baptêmes primitifs par immersion.

Près de 6 ans après, vendredi 26 septembre 2025 à 18h30, une plaque commémorant cette distinction exceptionnelle sera posée en présence de Mgr Norbert Turini, de représentants de la société civile, et surtout de Monsieur Pigeire, architecte visionnaire de cette église singulière pour laquelle il ne demandera aucune honoraire. Cette mise en lumière marquera la reconnaissance d’une œuvre qui, par sa singularité assumée et sa cohérence conceptuelle, demeure un témoignage essentiel de l’architecture religieuse contemporaine française au service d’une liturgie renouvelée par la voix du Concile Vatican II.

Aujourd’hui confiée aux religieux assomptionnistes et intégrée dans l’ensemble paroissial Saint-Augustin de l’Aqueduc, l’église Saint-Esprit continue à accueillir les paroissiens, à rassembler autour de la Parole, fidèle à l’esprit qui présida à sa conception il y a plus de cinquante ans.