Comme chaque année, les ordinations dans le diocèse de Montpellier sont pleines d’émotion et de fraternité.

Daniel Esquivel-Elizondo et Jean Dai Ly Nguyen ont été ordonnés prêtres du diocèse de Montpellier, ce dimanche 23 juin 2024, en la cathédrale Saint-Pierre de Montpellier, par Mgr Norbert Turini, archevêque de Montpellier.

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Homélie de Mgr Norbert Turini, archevêque de Montpellier

Cathédrale Saint-Pierre (Montpellier), dimanche 23 juin 2024

Ordinations de Daniel Esquivel-Elizondo et Jean Dai Ly Nguyen

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Sœurs et Frères, Cher Daniel, Cher Jean,

Souvent les enfants me demandent : « Il sert à quoi ton bâton ? ». Alors je leurs explique qu’il est comme celui d’un berger avec son extrémité recourbée pour attraper la patte des brebis quand elles s’éloignent loin du troupeau, risquant de se perdre et d’être dévorées par les loups.

Puis je leurs dis que Jésus est le Bon Berger et que c’est au prix de sa vie qu’Il «est venu pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ?». Jn 11/52.

Être prêtre, Daniel et Jean, c’est être rassembleur à la suite du Christ, non pas pour ramener les autres à soi, mais pour les centrer sur Lui, Sa personne, Sa vie, Sa Parole, Son Evangile, Son enseignement, Son amour, Son appel.

Paul nous le confirme dans la deuxième lecture : « Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux ».  Il vous conduit ainsi à vous décentrer de vous-mêmes pour trouver en Lui, le centre, le cœur, la source de votre vie sacerdotale. C’est Lui le Grand Prêtre par excellence qui vous associe à Son Sacerdoce.

Cela suppose que le Christ soit tout pour vous. Je répète que le Christ soit tout pour vous. Souvenez vous des paroles de l’Apôtre des Nations quand il s’adresse aux Corinthiens 2/2: « Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus, ce Messie Crucifié » et dans l’épître aux Philippiens : « Pour moi vivre c’est le Christ » Phil 1/21.

Notre passion, c’est d’appartenir au Christ qui nous donne à Son Eglise comme pasteur : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure » Jn 15/16.

Veillez dans votre ministère à ne jamais disperser le troupeau, mais à vous fier à son « flair », en le rencontrant, en l’aimant, en l’écoutant, en accueillant ses conseils avisés. Ne le regardez pas de haut comme si tout dépendait de vous. Ce serait irrespectueux et méprisant.

Mais comme le berger fait corps avec le troupeau, faites corps avec le Peuple de Dieu, l’Eglise, en mettant votre sacerdoce ministériel au service de tous les baptisés comme vous y appelle Jésus « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour les multitudes » Mt 20/28.

Daniel et Jean, parfois la tentation sera grande de vouloir voler de vos propres ailes, de décider seul, de croire que les autres pensent comme vous, d’imposer vos décisions, vos opinions, alors la distance se creuse et vous n’êtes plus dans la communion que vous cherchez à bâtir. Pour y revenir : contemplez le Peuple de Dieu qui est Son œuvre, le Corps de Son Fils que vous avez mission d’accompagner et d’aimer.

Vous découvrirez que ce Peuple, dans sa sagesse, sa prière, sa bonté et son attachement à ses prêtres, vous ramènera toujours à l’essentiel de votre vie : le Christ parce qu’il a besoin que vous le Lui annonciez toujours à temps et à contretemps pour tracer tous ensemble la route de la mission.

Je vous exhorte à commencer votre ministère de prêtre en y entrant par la porte de l’humilité. Elle nous oblige à scruter sans cesse nos intentions : « Qu’est-ce que je cherche vraiment dans mes relations avec mes frères et sœurs dans la foi ? ».

Ne parlez pas que de vous : « Moi, ma vie, mon œuvre ». Parlez du Christ, c’est ce que les gens attendent. Je n’oublierai jamais la parole de ce jeune qui me disait un jour au début de mon ministère de prêtre : « Tant que vous nous parlerez de Jésus, on ne sera pas malheureux ».

Cela suppose de l’humilité : s’effacer devant Lui pour qu’Il grandisse dans le cœur de l’autre.

D’ailleurs ne dit-il pas lui-même: « Je suis doux et humble de cœur » Mt 11/29. ? Il vous invite à lui ressembler et à grandir en douceur et en humilité qui sont de précieux antidotes contre l’orgueil.

Je le crois, c’est par l’humilité que nous pouvons accomplir de grandes choses dans l’Eglise, que nous pouvons estimer les autres en vérité, recevoir leur contribution, leurs conseils, leur richesse intérieure.

« Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes »  recommande Paul aux Philippiens 2/3.

Comme l’affirme le Pape François : « Ce sont les humbles qui sauvegardent la communion dans l’Eglise, en évitant les divisions, en surmontant les tensions, en sachant mettre de côté leurs propres initiatives pour contribuer à des projets communs ». Pas d’unité sans humilité.

Cela passe par une conversion spirituelle permanente qui appelle à une conversion du cœur.

Un cœur humble est un cœur aimant, désensablé de toute arrogance, de toute suffisante, de toute convoitise mais simplement ouvert à l’amour de Dieu et à celui de Son Peuple, à l’amitié de Dieu et à celle de Son Peuple. Cette grâce de purification et de conversion nous la recevons entre autre dans la prière.

Alors nous comprenons mieux combien le temps que nous passons avec le Seigneur est impérieusement nécessaire, car il nous prépare, nous transforme et nous forme à la vie pastorale en repartant toujours de Lui, pour vivre par Lui et avec Lui, la rencontre des frères et des sœurs qu’Il nous confie. Et si nous traversons les tempêtes qui ne manquent pas dans une vie, nous les traversons avec Lui, Il est notre sécurité, notre garantie : Il est Dieu avec nous. Ne nous affolons pas, puisqu’Il est là. Il saura le moment venu, venir calmer les bourrasques intérieures qui nous submergent à certaines heures de nos vies.

Plus nous restons ouverts à l’amour du Seigneur et plus nous restons ouverts à l’amour de Son Peuple pour le faire grandir dans la foi et l’unité.

Daniel et Jean, je ne peux pas vous offrir à chacun un bâton pastoral, mais je vous associe à ce qu’il signifie : guider en communion avec moi et mes successeurs le Peuple de Dieu et bâtir ensemble et sans relâche, l’unité de notre Eglise diocésaine avec tous les baptisés, unis à tous vos frères prêtres. Ils vous accueillent ce soir avec joie au sein de notre presbyterium pour vivre avec eux cette fraternité sacerdotale si nécessaire à la mission.

L’unité porte en elle ce souci permanent de ne pas laisser d’oubliés sur le bord du chemin, en les écartant parce qu’ils n’ont pas le bon profil et ne nous ressemblent pas. Jésus a toujours aimé et uni les différences. Il les a même recherchées. Regarder les Douze.

Jésus n’a oublié personne. Il est allé partout, sur les places publiques, chez les gens, dans les synagogues, de village en ville. Il a mangé chez les pécheurs et chez les gens biens.

Tous ceux que les autres rejetaient, Il les accueillait, Il leur parlait, les soignait, chassait leurs démons pour qu’ils goûtent à l’amour sans mesure de Son Père. Il est Dieu pour tous, « lui qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et qui fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » Mt 5/45.

Ne l’oubliez pas, je vous ordonne prêtre pas seulement pour les catholiques, mais pour tous ceux qui croient au ciel et pour ceux qui n’y croient pas.

L’Esprit Saint unit toujours les différences pour former la belle mosaïque d’une Eglise de Pentecôte dans laquelle chacun peut se reconnaître frère de tous et à sa place.

C’est en Christ que s’accomplit l’unité de l’Eglise, l’eucharistie en est le sacrement que vous célébrerez afin que le Christ soit tout en tous et que tous soient unis en Lui.

Soyez des hommes et des prêtres libres. Libres de ne pas vous laisser enfermer dans des cercles de relations, d’influences, d’opinions, veillez à rester toujours ouverts à tous. Jésus avait cette liberté, qu’Il vous la communique.

Un frère évêque à l’occasion d’une visite pastorale rencontre un berger qui lui explique en 5 points sa profession, je terminerai par là:

  • Pour être un bon berger, il faut avoir une vision globale du troupeau. Ne pas s’intéresser qu’aux plus dociles ou aux plus attachantes, mais à toutes les brebis même et surtout celles que l’on aime le moins, les plus rétives, les plus indépendantes, les plus révoltés, les plus rebelles.
  • Prendre soin de chaque brebis, ce qui suppose de les connaître individuellement pour savoir en cas de maladie quel traitement leur appliquer. Cela fait appel à notre qualité d’écoute, à nos capacités relationnelles, à notre sens du dialogue qui nous fait découvrir combien sont divers les chemins qui conduisent à la lumière de la foi (St Paul VI). « Je connais mes brebis, dit Jésus, et mes brebis me connaissent » Jn 10/14.
  • Le ventre du berger passe après le ventre des brebis. Laisser brouter les brebis tant qu’elles ont faim. Ce sont elles qui décident l’heure du retour à la bergerie. Le berger est au service du troupeau et pas l’inverse. Il marche au rythme des brebis et n’impose pas le sien. Cela s’appelle la patience pastorale.
  • A terme, le berger ressemble au troupeau et le troupeau finit par ressembler au berger. « Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur, dit Jésus ». Jean 10/16.
  • Le berger protège toujours le troupeau. « Je donne ma vie, pour mes brebis », dit Jésus.

Que Notre Dame des Tables soit la mère de votre sacerdoce et par son intercession vous obtienne de devenir de plus en plus des pasteurs selon le cœur de Dieu.

AMEN.

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+ Norbert Turini, Archevêque de Montpellier.