HOMELIE DE L’ARCHEVÊQUE MGR TURINI

JEUDI 5 JANVIER 2023 – CATHEDRALE ST PIERRE DE MONTPELLIER

Sœurs et Frères,

Je n’oublierai jamais cette veillée des jeunes à Madrid, à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, c’était le 20 août 2011.

Un million de jeunes étaient rassemblés. Soudain, un violent orage éclata, des bourrasques de vents et de fortes averses s’abattirent sur le site des JMJ et vinrent perturber Benoît XVI pendant son discours. Sa calotte blanche fût emportée dans la tourmente, mais il eut le temps de dire ces quelques paroles aux jeunes :

«Chers amis, cette veillée restera comme une expérience inoubliable de votre vie. Gardez la flamme que Dieu a allumé cette nuit dans vos cœurs : faites-en sorte qu’elle ne s’éteigne pas ! Alimentez-la chaque jour, partagez-la avec les compagnons de votre âge qui vivent dans la nuit et cherchent une lumière sur leur chemin».

L’orage grondait, les éclairs déchiraient le ciel noir, nous étions tous trempés et Benoît XVI souriant, très calme, refusant de quitter l’estrade sur laquelle il se tenait. Ses collaborateurs essayaient de le protéger de leur mieux avec des parapluies. Une structure recouverte de toile au-dessus de l’estrade semblait fragilisée par le vent et la pluie.

Rien n’effrayait Benoît XVI et pendant tout ce temps il priait en silence. Il était notre clarté dans la nuit, cette lumière dont il avait parlé en s’adressant aux jeunes.

Il était si lumineux et si calme que cette marée humaine d’un million de jeunes, en le voyant ainsi durant les 20 minutes que dura l’orage, resta sans broncher, le regard tourné vers lui. Sa présence priante nous portait, nous protégeait. Nous nous sentions à l’abri.

Ce soir-là, j’ai vu en lui, le reflet de la mission de l’Église qui se tient présente au cœur des tourments, des tempêtes de l’Histoire et de ses obscurités. Une Église témoin de la foi qui entrevoit déjà la lumière du Ressuscité dans la nuit épaisse de l’humanité.

Ce pape à l’apparence frêle et fragile, déjà âgé et fatigué, nous révélait sa force intérieure. Il se faisait veilleur, rempart pour ses frères, en demeurant avec eux.

Il tenait ferme dans la foi et nous y affermissait. Il résistait à la tempête. Sa silhouette fragile dégageait la stature d’un géant de la foi. C’est cet appel qu’il nous lance dans son testament spirituel : «Tenez bon dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler !».

Une deuxième image que je conserve de ce grand pape se rapporte à la visite que nous lui rendîmes à Castel Gandolfo en 2005 à l’issue de la session de formation des nouveaux évêques à Rome, dont je faisais partie.

Ce qui me frappa, en tout premier lieu ce fût son humilité. J’ai dit à l’un de mes confrères : «On a l’impression qu’il s’excuse d’être pape». Nous avions en face de nous, à l’image du Christ un homme doux, bon et humble de cœur et je me souvins que cela confirmait ses premières paroles à la loggia de la Basilique St Pierre, au soir de son élection : «Après le grand Pape Jean-Paul II, messieurs les cardinaux m’ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur».

Il a très vite compris que l’Église n’était pas attaquée que de l’extérieur, mais qu’elle était aussi minée de l’intérieur. Son amour de la vérité le conduit à se saisir le premier avec détermination, des scandales effrayants qui rongeaient l’Église et la défiguraient. Il gèra cette crise en prenant des décisions radicales et pris le temps nécessaire pour rencontrer les victimes des abus commis par des clercs.

Faire la vérité, c’est le combat de sa vie. Il en avait fait sa devise : « coopérateurs de la vérité ». « Si la vérité vient à manquer, disait-il, tout s’écroule ».

Faire la vérité dans l’Église pour ne pas qu’elle sombre, c’était son choix.

Notre foi nous pousse à aller chercher la vérité, à nous laisser attirer par elle, là où elle est, dans le Christ. Car pour nous, la vérité c’est quelqu’un et cela est propre à la Révélation chrétienne. Si nous pouvons aimer la vérité, c’est parce qu’elle est quelqu’un : Jésus-Christ notre vérité. Et le fruit de la vérité c’est la liberté. Jésus nous rend libre parce qu’il est la Vérité. Comment ne pas l’aimer ?

Dans l’une de ses plus belles encycliques, trop peu connue : Spe Salvi – Sauvés dans l’Espérance, il écrira : « Devant le regard du Christ s’évanouit toute fausseté. C’est la rencontre avec Lui qui, nous brûlant, nous transforme et nous libère pour nous faire devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler paille sèche, vantardise et s’écrouler».

Au fond, chercher la vérité c’est trouver avec elle l’amour, la justice et la paix : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » écrit le psalmiste.

Le Pape Benoît XVI ne pouvait concevoir la continuité de sa mission comme enseignant en théologie et Pasteur du Peuple de Dieu, que dans la Splendeur de la Vérité.

A la fin de son homélie pour son 85° anniversaire, voici ce qu’il disait : « Je me trouve dans la dernière partie du parcours de ma vie et je ne sais pas ce qui m’attend, je sais toutefois que la lumière de Dieu est là, qu’Il est ressuscité, que sa lumière est plus forte que tous les malheurs de ce monde et que cela m’aide à avancer avec assurance ».

Pour lui un monde sans Dieu est un monde sans Espérance.

En conclusion, accueillons de lui cet appel à la prière : « l’existence chrétienne consiste à monter continuellement sur la montagne de la rencontre avec Dieu, puis à redescendre en apportant l’amour et la force qui en découlent».

Prions pour ce simple et humble travailleur d’une si grande fécondité pour la vie de l’Église et rendons grâce au Seigneur pour ce cadeau qu’il nous a fait à travers la vie, l’enseignement et la mission du Pape Benoît XVI. Que Marie l’entoure de sa tendresse maternelle et l’accompagne sur le chemin de la rencontre avec Son Fils. AMEN.

+ Mgr Norbert Turini
Archevêque de Montpellier