L’odeur du vent

  • Réalisateur : Hadi Mohaghegh
  •  Genre : drame
  •  Nationalité : Iran
  •  Distribution : Hadi Mohaghegh, Mohammad Eghbali
  • Durée : 1h30min
  • Sortie : 24 mai  2023  

Un magnifique film.  A voir absolument.

Avec ce long-métrage, nous sommes bien loin  des drames sociaux et conjugaux en milieu urbain ainsi que  des situations politiques  dont le  cinéma iranien actuel est coutumier. L’odeur du vent nous entraîne  dans ces confins ruraux du monde perse, où   «l’aménagement du territoire» ne signifie rien. Le téléphone portable y reste une rareté, l’eau courante un mirage, le courant électrique une exception. Un électricien est envoyé  réparer un transformateur en panne près d’une maison isolée où vivent un homme handicapé et son fils alité. Une pièce manque, le technicien part à sa recherche. De ce simple  argument, Hadi Mohaghegh, qui incarne lui-même le personnage principal, réalise  un film  d’une sensibilité rare.

Les difficultés, les transactions financières,  les gestes d’entraide, sont constamment présents dans ce film. Le réalisateur filme patiemment  et  magnifie avec douceur ce qui n’a pas de prix : une main tendue, un service qui n’attend pas de contre-partie, le temps nécessaire pour prendre soin des autres, le regard bienveillant porté sur l’autre que l’on ne connaît pas. Les mots sont rares dans L’Odeur du vent, ce sont les actes et le travail qui font passer d’une scène à l’autre, et ce dans des paysages superbes.  Le film révéle  ainsi  une chaîne humaine, une suite de rencontres placées sous le signe du hasard et de la solidarité.

Dans la lignée d’un Abbas Kiarostami,  Hadi Mohaghegh  dessine un hommage à ce que l’humain porte en lui de meilleur. Nous sommes ici dans un film tendre, magnifié par la photographie et un sens aigu du cadre, où  les silences sont  une méditation sur la bonté humaine. Hadi Mohaghegh, avec ce quatrième long-métrage atteint enfin les écrans français, après un passage au festival international de Busan et un prix au festival des Trois Continents de Nantes.

 

Wahou !

  • Réalisatrice : Bruno Podalydès
  • Genre : comédie
  • Nationalité : France
  • Distribution : Karin Viard, Sabine Azéma, Eddy Mitchell, Agnès Jaoui, Bruno Podalydés
  • Durée : 1h30mn
  • Sortie : 7 juin 2023
    Non, ce film n’est pas seulement une satire du petit monde des agences immobilières avec des rendez-vous successifs entre deux «conseillers» de l’enseigne Wahou et leurs clients. Une idée savoureuse du film est d’analyser plus profondément,  ce qui se joue dans une visite ou dans une transaction annoncée : une étape importante  dans  la vie, pour celles et ceux qui vendent un bien immobilier et/ou qui en achètent un. Catherine et Oracio sont conseillers immobiliers et enchaînent les visites de deux biens. Malgré des visites agitées, ils ne perdent pas de vue leur objectif : provoquer le coup de cœur chez les potentiels acheteurs, le vrai, l’unique qui leur fera oublier tous les défauts. Celui qui leur fera dire « Wahou ! »

     

    Bruno Podalydès réalise  une comédie humaine, avec des personnages «épatants», des coups de théâtre, des gags, des sentiments… Si satire il y a, elle se concentre avec brio sur la langue, le jargon,  et les expressions  qui accompagnent les visites de logement. L’un des deux décors principaux du film, un appartement à louer, est ainsi présenté  comme situé «dans le triangle d’or de Bougival», l’autre est  une maison bourgeoise, en vente, est régulièrement taxé de «bien d’exception», alors que le jardin borde la ligne du RER… Avec ce film, nous ne sommes «pas loin» du  burlesque de Jacques Tati, l’un des maîtres  de Podalydès.

    Nous sommes à la fois dans  une histoire cruelle et drôle, dynamique et nostalgique, amusante  et mélancolique. Whaou ! est  un puzzle habilement désordonné,  avec  des personnages  certes tiraillés  entre deux choix, mais aussi teintés de mille nuances.

L’amour et les forêts

  • Réalisatrice : Valérie Donzelli
  • Genre : drame, thriller
  • Nationalité : France
  • Distribution : Virginie Efira, Melvil Poupaud, Dominique Reymond
  • Durée : 1h45mn
  • Sortie : 24 mai  2023

Valérie Donzelli adapte pour la première fois un roman, L’amour et les forêts d’Eric Reinhardt  qui dépeint l’engrenage d’une relation amoureuse initialement idyllique  se transformant en cauchemar. Blanche «tombe follement» amoureuse de Grégoire Lamoureux. Mais le beau conte de fées laisse place à l’enfer puisque  la jalousie va vite dominer chez le mari de Blanche, Gregoire. Celui-ci prend l’amour à bras-le-corps, il va étouffer et malmener Blanche.  La jalousie et la possessivité mènent cet homme  sur la pente de la perversité, sous couvert du modèle idéal qu’il perpétue. Blanche va connaître un  isolement  à la fois géographique, amical et même intérieur, puisque Grégoire  la pousse à renoncer à ses propres envies, à s’oublier elle-même.

Valérie Donzelli voulait faire selon ses propres termes «un grand film d’angoisse…(dans lequel)  le phénomène d’emprise  n’est pas le sujet du film mais une toile de fond. C’est avant tout un film sensoriel, vibrant et haletant». La réalisatrice s’empare dans ce film du genre néo-noir pour décrire comment l’étau se resserre autour de son héroïne, piégée par la toxicité insoupçonnable de son mari. L’influence d’Alfred Hitchcock dans le décor de la maison est indéniable et Tippi Hedren est la référence pour Virgnie Efira.

La mise en scène dans son pur aspect fictionnel  en fait une histoire forte. L’Amour et les Forêts, présenté à Cannes Première, débute comme un film de Jacques Demy pour se transformer  progressivement en thriller à la Hitchcock à mesure que le mari accentue son emprise sur sa femme.

Philippe Cabrol
Chrétiens et Cultures